14. juil., 2022

Phase 4.1. Nong Khai "Lee visite une école hôtelière"

J’arrive dans la ville de Nong Khai après avoir pris le bus de nuit depuis Chiang Mai. Je me trouve dans l’est du pays à la frontière avec le Laos, j’aperçois depuis mon bungalow le Pont de l’Amité au dessus du Mekong, pont qui relie la Thaïlande au Laos. L’est du pays est peu touristique, à tel point que le soir je galère à trouver un resto ouvert d’autant plus avec la crise qui est passé par là… donc après 1 heure de recherche je me résous et finis par manger le dernier paquet de pâtes qu’il me restait (heureusement), une cuisine improvisée dans ma chambre d’hôtel sans cuisine… C’était marrant ! Mais heureusement je pars le lendemain dans cette école, je vais pouvoir y manger « normalement » !
 
École-fondation « Pimali » :
J’arrive dans la fondation Pimali, j’y suis accueillie en grande pompe comme la reine d’Angleterre (voir photos phase 4 !) c’est juste géniale, je me sens au petit soin ! Bon mais c’est quoi cette fondation au juste ? Alors en gros, il s’agit d’une école hôtelière et en même temps c’est un hôtel et un restaurant de luxe! J’y ai mangé super bien et j’y ai dormi super bien, sans bestioles partout dans la chambre cette fois ! Je recommande cet endroit à 100% à tous ceux et celles qui se rendraient dans cette région! Cette fondation a été imaginée par ses fondateurs Stéphanie (qui est suisse et thaïlandaise) et Alexandre (un suisse) suite au constat du sort d’orphelins thaïlandais de la région de Nong Khai. Ils remarquent qu’une fois devenus adultes, ils sont livrés à eux-mêmes, sans compétences professionnelles et certains d’entre eux deviennent des proies faciles et tombent dans la prostitution. Face à ce constat alarmant, l’idée de former ces jeunes en difficulté pour leur donner des compétences légitimes dans le monde de l’hôtellerie émerge et la fondation Pimali est créée. Ils y apprennent toutes les bases utiles pour travailler dans un hôtel ou/et dans un restaurant, après un tronc commun, les élèves peuvent ensuite choisir de se spécialiser (réception, service, cuisine, ménage, etc.). La formation dure 11 mois sur place et est complétée par un stage en immersion dans d’autres hôtels partenaires. Tous les jours, les élèves alternent entre les moments sur le terrain et les moments plus théorique où ils se réunissent dans des classes, notamment pour y apprendre les bases de l’anglais tous les jours. Au final, 90% d’entres eux trouvent effectivement un emploi par la suite et s’insèrent dans la société, même si certains décident de retourner aider leurs parents à la ferme (certains élèves sont issus de familles pauvres comme les fermiers et d’autres sont orphelins).
 
Mon expérience à Pimali :
Mon objectif initial était de voir comment d’autres élèves « apprennent » dans le monde, notamment ici en Thaïlande (puisque j’y suis). Pour accéder aux écoles publiques ce n’était pas possible, car l’école publique en Thaïlande est fermée aux curieux et fonctionne « à l’ancienne », de plus les élèves ne sont pas autorisés à poser des questions aux professeurs car ceux-ci sont plus âgés et un jeune ne peut pas poser de questions à une personne plus âgée car ce serait considéré comme un manque de respect. Aussi, les professeurs sont évalués sur la base de la réussite de leurs élèves : on estime qu’un élève qui échoue, échoue car son enseignant est mauvais. De ce fait, la pression est telle que les professeurs font réussir tous leurs élèves, au final certains d’entre eux arrivent à l’âge adulte sans savoir lire ni écrire. Ils ont été laissés « sur le bas côté de l’école» mais « passent» quand même leur examen… Donc à Pimali, Khun Aim la responsable du centre m’explique que les enseignants doivent parfois tout reprendre depuis le début, leur enseigner les bases de l’écriture thaï avant de pouvoir même parler et écrire une autre langue comme l’anglais. Il faut aussi les mettre suffisamment en confiance pour qu’ils « osent » poser des questions aux professeurs et s’exprimer. En effet, je constate qu’ils sont généralement très timides. Pour les encourager à s’exprimer, les professeurs utilisent une forme de behaviorisme classique (le renforcement positif); ils leurs donnent des petits cadeaux quand l’un d’entre eux a réussi à s’exprimer le nombre de fois qu’il devait le faire dans la journée (les élèves ont des challenges individuels et journaliers), je trouve que ce n’est pas idéal comme méthode mais en attendant c’est le moyen qu’ils ont trouvé pour les encourager à parler.
D’une façon informelle, j’arrive à engager le dialogue avec certains d’entre eux et avec l’aide d’un enseignant qui traduit, je leur explique qu’en Suisse, les élèves sont bien différents et qu’on a le problème inverse, je leur montre des photos et des vidéos, ils ont l’air tout étonnés de les voir si « agités » en classe et rigolent.
 
L’après-midi, la responsable veut me faire visiter l’un de leurs orphelinats, là où tout à débuté. J’accepte volontiers. Une fois sur place je suis accueillie par une dizaine de petits bouts de choux âgés entre 2 et 4 ans, ils veulent tous jouer avec moi. On s’amuse, on rit, je finis par rejoindre les adultes et là l’un d’entre eux ne me lâche plus, il monte sur moi, réclame un calin, il est rapidement suivi par deux d’entre eux qui souhaitent également mon attention. Ils sont touchants ces petits… après une petite heure passée en leur présence, je repars le sourire aux lèvres mais le cœur lourd. Je sais qu’ils sont pris en charge correctement ici (il y a d’ailleurs 10 adultes pour 20 enfants, ce qui est vraiment super !) et qu’ils pourront développer des compétences professionnelles par la suite, mais c’est quand même un crève cœur de voir un enfant « abandonné ». Déjà qu’on m’avait montré un centre pour chiens abandonnés il y a quelques jours et que c’était difficile mais là on parle d’enfants et c’est encore autre chose…
 
Finalement, le soir et le lendemain, je fais « ma formatrice », je devais en échange de leur accueil, leur donner également un peu de mon expertise. Donc j’assiste à deux de leurs leçons (une leçon d’anglais et une autre sur le « service ») pour donner du feed-back aux professeurs. Bien que les leçons se passent à 80% du temps en Thaï, j’arrive à cerner les enjeux et le type d’interactions entre les individus. Triple challenge ; observer des leçons en Thaï, faire un feed-back professionnel à des inconnus tout en anglais sur le tas donc sans préparation et en plus manager la culture des thaï face aux remarques ; Alexandre le fondateur m’avait en effet prévenu que les enseignants thaï peuvent interpréter la remarque constructive comme un échec complet, à tel point que certains vont jusqu’à donner leur démission s’ils sentent qu’ils ne sont pas « parfaits »… Oulà donc !